Les copains du comité départemental de Tennis de Table m’avaient inscrit à mon insu. Lorsque je découvre dans la presse, que je suis nominé, je refuse d’abord d’aller faire le zouave au Quartz à Brest. Mais les amis insistent, car il faut être présent pour obtenir des subventions. C’est le trésorier, Élie Guéguen, qui me décide finalement car nous allons nous offrir un gueuleton aux frais du conseil général.
Voir le menu
Me voici donc sur la scène du Quartz entouré de sportifs illustres. Les champions olympiques Deroff, Henard, Abalain, quelques champions du monde, le navigateur Jean Le Cam… le cycliste Ronan Le Pensec…
Les élus doivent répondre aux questions de la speakerine de la télé régionale et faire un petit discours. Je n’aime pas trop parler en public et je suis impressionné par tout ce beau monde. Je pensais que j’étais là pour les résultats de mon club. (3e aux championnats de France par équipes minimes filles … titre national individuel au premier pas pongiste…). Le club TTAL Huelgoat-Plouyé était bien cette année là au premier rang dans le Finistère dans les catégories jeunes. Mentalement je prépare une petite anecdote survenue au retour de Grenoble.
Les deux gamines et moi passions sous le détecteur de métaux de l’aéroport quand la sonnerie retentit. Le douanier sortit la petite coupe de Sylvia du sac de Karine et la brandit en la montrant au public. Derrière nous, une salve d’applaudissements : c’étaient Ronan Le Pensec et une équipe de cyclistes. Lucho Herrera le petit colombien vainqueur du Dauphiné Libéré arborait la sienne, une énorme soupière.
Lorsque je regardais les deux autres nominés, je me disais que je ne faisais pas trop honneur au tennis de table. Les deux marathoniens n’avaient pas un gramme d’excès pondéral tandis que ma silhouette ressemblait plus à celle de celui qui distribue des médailles qu’à celle de celui qui les reçoit. Ils méritaient plus que moi ce trophée.
«
Le trophée du mérite sportif 1988 est attribué à Robert Riou pour le développement de programmes informatiques qui simplifieront le travail des dirigeants bénévoles ! »
Surpris, je ne me souviens plus de ce que j’ai pu bafouiller au micro.
Voir J’ai vite été coupé par Robert Chapatte. Le présentateur de la télé nationale n’était pas là pour moi, évidemment. Il avait saisi l’occasion pour faire la liaison entre le sport et la science. Un trophée exceptionnel était décerné au Morlaisien Jean-Loup Chrétien qui venait de faire une sortie extra véhiculaire. C’est son frère qui reçut le trophée et pour cause, le premier cosmonaute français était à ce moment à bord de Soyouz.
J'aurais dû réfléchir. Le trophée du meilleur technicien avait été décerné à Guy Penduff que je connaissais bien. Nous avions pratiqué le sport ensemble, lorsque nous étions élèves à l'école normale d'instituteurs, rue de Rosmadec à Quimper.
Ce qui m'amuse encore aujourd'hui, c'est que Robert Chapatte n'avait pas dû prononcer trop fort la raison pour laquelle on me décernait mon trophée. Moi, je continuais à parler au micro de mes jeunes pongistes, de notre voyage avec les vedettes mondiales du cyclisme...
Le rédacteur des revues France TT et Bretagne TT n'avait pas non plus tout compris.
Voir un article dans la presse pongiste.
Autrefois, les instituteurs étaient nombreux au comité départemental. Nous étions recrutés pour nos duplicateurs à alcool. Nous avions la responsabilité de gérer plusieurs groupes de compétitions. Et à la main, cela prenait du temps. Jean Bideau y passait une quinzaine de jours, de ses grandes vacances, à préparer le championnat départemental et quand c'était terminé, il réunissait les responsables de groupes à la colonie de vacances de Loctudy qu'il dirigeait. Et, de notre plus belle bille, nous rédigions les stencils pour les poules du championnat par équipes. Et l'ami, l'abbé Yves Arzur, finissait le travail, à l'aide de son matériel avec lequel il publiait son bulletin paroissial.
A Plouyé, les sportifs les plus brillants avaient de très beaux déplacements. Nous avions donc décidé de récompenser tout le monde en organisant notre compétition internationale avec nos voisins et amis de Plymouth. Lorsque nous organisions des fêtes, kermesses, festoù-noz, pour alimenter la trésorerie, tous les parents étaient toujours là, et ils travaillaient activement dans l'ombre. Il nous avait paru normal d'organiser cette rencontre un peu spéciale. Elle avait en plus un caractère culturel et linguistique. Quelques jeunes du canton prirent une licence, bien qu'ils ne fussent pas assidus à l'entraînement. Cela a bien fonctionné pendant une quinzaine d'années. Paul Hémery était notre ministre des affaires étrangères, secondé par Yvette son épouse, professeur d'Anglais au collège. L'année suivante, c'était à notre tour de les recevoir. C'est donc à Plymouth que j'avais vu John Northworthy faire toute la préparation de la ligue du Devon sur un ordinateur ZX 81 et une petite imprimante 40 colonnes. Je n'avais donc rien inventé, je n'avais fait que copier mon ami d'outre-Manche, transcrire les algorithmes que m'avait appris le président Daniel Le Cleach, en langage Basic pour piloter l'imprimante. Et bien sûr cela permettait de gagner un temps précieux. Mais je regrette un peu, car depuis, on voit de moins en moins d'instituteurs prendre des responsabilités de dirigeants bénévoles.
Comme la plupart des dirigeants bénévoles, je suis, comme le disait Jean Rochefort, couvert de médailles d'anciens combattants, du nombril aux pectoraux. Mais de tous les trophées que j'ai reçus, voici celui auquel j'attache le plus d'importance.
Jean Bideau me décerne un trophée pour services rendus quand je quitte le Finistère-sud pour le nord, en 1990.

J'ai beaucoup appris, en pédagogie, au comité Finistère-sud. Les anciens, les vieux instituteurs, étaient toujours aux petits soins pour le p'tit jeune que j'étais. L'école de Tréméoc porte aujourd'hui, le nom de l'un de ses directeurs, Jean Bideau. (
http://ecoletremeoc.eklablog.com/
)
Malheureusement, aujourd'hui, les vieux instituteurs ne peuvent plus transmettre leurs savoir-faire. On pénaliserait les bénéficiaires. La hiérarchie n'apprécierait pas. La recherche pédagogique française s'est laissée embarquer sur de mauvaises pistes souvent contradictoires, et pourtant ce serait si simple....
Aujourd'hui, si vous voulez connaître le résultat d'une compétition du plus bas niveau, vous allez
  sur le site de la FFTT:
Vous obtenez les résultats et les classements du jour de n'importe quelle équipe en France. C'est moi qui ai été le premier à avoir l'idée de la saisie des résultats par les clubs, sur Internet, et de la réaliser. La première saisie des résultats par les clubs remonte au 11 septembre 2001. Date facile à retenir. Je présentais les manipulations à effectuer à la mairie du FAOUET (Morbihan), avec l'aide du président Christian Doré, aux responsables de clubs du désert breton, le comité Centre Bretagne (22,29,56) dont j'avais été l'un des créateurs, en 1980. Le formulaire est toujours en ligne. La base MySql est vide.
 http://cbtt.free.fr/2002/resu/index.php
L'année suivante, avec le président du comité départemental Finistère, Renan Thépaut et Michel Coat de la commission sportive, nous réalisions la même chose au niveau du CD29TT. 94 clubs sur 97 jouèrent le jeu, sur la base du volontariat. Comme je permettais aux deux clubs d'entrer les données, tous les résultats du soir étaient en ligne, tôt dans la matinée. Les équipes victorieuses sont toujours pressées d'afficher leurs résultats.
Et ce n'est qu'en 2006 que la FFTT l'étendait au niveau national, réalisation d'informaticiens professionnels. Mon ami Renan, aujourd'hui président de la ligue de Bretagne, m'apprend que les informaticiens de la fédé ont réalisé le logiciel GIRPE qui permettra la dématérialisation totale de la transmission des résultats, en temps réel. Plus de feuille papier. Mais est-ce vraiment un progrès ?
J'étais venu au tennis de table, un peu par hasard. Durant l'hiver 1967-1968, il fit très froid dans la cour de l'école de Plouyé. Les filles grelottaient sous le préau tandis que les garçons accaparaient toute la cour pour courir après le ballon. J'eus l'idée d'installer deux plateaux en contreplaqué sur des tables d'écoliers dans une classe désaffectée. Le club venait de naître. Nous disputâmes une compétition départementale USEP, mais on me fit comprendre que nous étions trop loin de la ville pour organiser des compétitions chez nous. On me pria d'enrôler d'autres instituteurs des communes voisines. Par chance, Yves LE FLOUR et Francis LE PICHON respectivement directeurs des écoles de GLOMEL (Côtes du Nord) et du FAOUET (Morbihan) acceptèrent, et nous adhérâmes à la FFTT chacun dans notre département. Et pour la même raison que l'USEP, en 1980, nous créâmes un comité qui vécut jusqu'en 2008. D'autres clubs nous avaient rejoints. J'en fus le secrétaire sous la présidence de Raymond Cozic de Gourin, avec qui je m'entendais bien; et le CBTT devint mon laboratoire informatique. En réalité, je ne faisais que le travail de préparation. C'est mon épouse qui faisait le travail ingrat (enregistrement des feuilles de rencontres, correspondance, téléphone...). J'avais ma classe à préparer et c'était plus important.
Daniel Le Cleach m'avait expliqué l'algorithme de création de poules. Il faut faire attention. Certains clubs engagent quatre équipes alors qu'ils n'ont que deux tables. D'autres, plus riches préfèrent avoir toutes les équipes en même temps, soit à domicile, soit en déplacement. Ils faut donc savoir placer les équipes en concordance ou en opposition. Imaginez le travail que cela représente. Je n'avais que trois groupes et comme je suis étourdi, je me trompais souvent. Alors, essayez de vous représenter le travail de l'ami Jean Bideau qui devait gérer plusieurs centaines d'équipes, sur plusieurs divisions de niveau différent. Daniel, qui n'avait pour bagage intellectuel qu'un certificat d'études primaires, fut mon professeur d'algorithmique. Le meilleur qui soit.
En 1990, je quittai le Centre Bretagne pour Brest. Et le Carhaisien Christian Doré reprit le flambeau.
Voici le trophée que l'on m'offrit lorsque le comité Centre Bretagne fut dissout. Il occupe une place privilégiée dans mon cur.

L'axe Roscoff-Lorient et l'amélioration générale des conditions de déplacements routiers ont condamné un comité qui à son époque joua un rôle important dans l'essor du tennis de table dans notre région.
Le CBTT avait été créé surtout pour les enfants, par des instituteurs. Lors de nos tournois, nous récompensions tout le monde. Les perdants ont autant de mérite que les gagnants. Christian était expert dans l'art de trouver les subventions et les récompenses.
Sur cette page vous voyez notre
Président de Ligue Renan Thépaut et un proche du Président de la République en plein travail.. C'était en l'an 2000.
De l'ombre à la lumière.
Il n'est pas certain que Richard Ferrant, alors tout jeune conseiller général du canton de Carhaix, me connaisse. Je devais être bien caché derrière mon ordinateur, à la table de marque. J'ai toujours été un travailleur bénévole, dans l'ombre.
C'est la lecture de cette réaction de jeune instituteur d'aujourd'hui, après les résultats de TIMSS 2015, qui me pousse à venir étaler, ce qui pourrait être pris pour de la cuistrerie, alors que je déteste être à la lumière.
https://blog.francetvinfo.fr/l-instit-humeurs/2016/12/03/dans-les-chaussettes.html
Qu'est devenu mon beau métier d'instituteur ?
Il y a trente ans, encore, nous jouions un rôle important dans la vie de la société, certains à de hauts niveaux de responsabilité. Moi, j'étais un petit notable de village. Aujourd'hui, les véritables responsables de la décadence du calcul en France prennent les professeurs des écoles pour leurs paillassons. Il est temps de redonner confiance aux jeunes, qu'il puissent bénéficier des conseils d'experts ex-pairs, et surtout qu'ils puissent appliquer librement les méthodes qu'ils jugent les meilleures. La conscience professionnelle, cela existe !
Certains de ces énergumènes n'hésitent pas à dénigrer le travail des hussards noirs de la République. Un de ces inspecteurs avait osé affirmer que les Instituteurs d'autrefois fabriquaient de la chair à canon. Mon ami Élie avait été l'interprète amateur du rôle de l'instituteur dans le film le Cheval d'orgueil. Pierre Jakès Hélias et Claude Chabrol l'avaient choisi pour son accent bigouden. C'est un peu pour défendre sa mémoire que j'avais établi une fiche type de leçon de morale républicaine que le grand mathématicien Laurent Lafforgue m'avait fait l'honneur de publier sur son site.
Voir cette fiche.
Voir l'extrait de la leçon interprétée par Elie
Si j'ai ajouté des conseils très concrets sur la manière de raconter le conte, c'est qu'au delà du contenu idéologique de la leçon, il y a aussi des postures imposées par le metteur en scène qu'Elie, qui connaissait son métier d'instituteur, évitait. On ne fait jamais une leçon assis sur une chaise à son bureau. En 1962, le premier conseil que me donna M. Gasnier, à l'école Jules Ferry, à Quimper: « On ne tourne pas le dos aux élèves, c'est de la provocation. On doit préparer sa classe, venir plus tôt pour écrire les textes au tableau.»
Il suffit de voir les contorsions de l'élève au premier rang pour comprendre pourquoi.
Maintenant, allez voir les vidéos pédagogiques sur le site de Canopé et vous constaterez qu'il y a de nombreux savoir-faire qui n'ont pas été transmis aux nouvelles générations de professeurs des écoles !
Début de la page